Témoignage : Expulsés des Lentillères

 


Une journée
particulière

Les élèves trouvent parfois des justifications
surprenantes à leurs absences. Pour deux élèves de la classe
d’accueil, la justification n’est toujours pas parvenue au
collège. Nous avons appris par les médias que la préfecture
devrait envoyer un courrier avec écrit dessus EXPULSES.

Jeudi
19 novembre 2009, le collège les Lentillères s’est réveillé
comme les jours précédents. A la sonnerie, les élèves ont suivi
leurs professeurs pour le premier cours de la journée. Les
retardataires se sont précipités au bureau des surveillants pour
justifier leur retard. Un petit groupe d’élèves attendaient
patiemment leur tour devant la porte de l’infirmerie. C’est dans
un climat laborieux qu’a été dressée la liste des absents du
matin.

Des
bruits ont commencé à arpenter les couloirs, lorsque nous avons
appris que Mikkail et Nazika Ouzouyan n’étaient pas au collège.
Leur professeur avait dessiné un gros point d’interrogation à
côté de leurs noms. Mikkail et Nazika n’étaient pas là et
personne n’était en mesure de prédire s’ils allaient revenir, y
compris leurs camarades de la classe d’accueil de primo arrivants
qui les attendaient comme tous les matins. La certitude est venue à
la lecture d’un article du
Bien
Public
affiché en salle
des professeurs.

 

Travail d’un ancien élève de 3e

Travail
d’un ancien élève de 3
e

Onze
Géorgiens avaient été expulsés la veille de leurs domiciles
respectifs. Les accords de Dublin (2003) prévoient que l’Etat
membre de l’Union européenne dans lequel a été introduite pour
la première fois une demande d’asile est responsable de l’examen
de cette demande et est tenu de reprendre en charge la personne qui
dépose une nouvelle demande d’asile dans un autre Etat membre. En
d’autres termes, onze résidents côte-d’oriens ont été
déportés en Pologne depuis la base aérienne de Longvic parce qu’il
n’avaient pas les bons documents. Pourtant, de nos jours, ce n’est
pas le papier qui manque !

Les
personnels du collège les Lentillères ne sont pas férus de droit
international. Leurs statuts de fonctionnaires prévoient l’accueil
sans discrimination de tout enfant en âge d’être scolarisé.
Mardi 17 novembre à la fin des cours, ceux qui ont l’habitude de
s’attarder dans le collège ont vu arriver une femme enceinte
accompagnée d’un homme et suivie de cinq enfants apeurés. Ils
étaient venus faire le point de leur situation, dans l’établissement
scolaire où deux de leurs enfants sont toujours scolarisés.

Le
lendemain à 6 heures du matin, ils étaient réveillés par les
gendarmes. La mobilisation de plusieurs associations de citoyens n’a
pas réussi à empêcher l’action répressive des forces de l’ordre
établi. L’information a fait la Une des médias locaux entre le
bulletin quotidien des avancée de la grippe A et les fortes émotions
footballistiques provoquées par les bleus.

 

Travail d’un ancien élève de 3e

Travail
d’un ancien élève de 3
e

Parmi
les livres rangés en sciences humaines et sociales, j’ai retrouvé
en fin de semaine
les
Droits de l’enfant expliqués aux 11 / 15 ans

de Michel Pellaton et Patrice Brizard (Editions PEMF, 1999). Je l’ai
feuilleté nerveusement après l’avoir dépoussiéré. Quelques
articles ont attiré mon attention :

Article
2.2
Les Etats signataires
prennent toutes les mesures appropriées pour que l’enfant soit
effectivement protégé contre toutes formes de discrimination ou de
sanction motivées par la situation juridique, les activités, les
opinions déclarées ou les convictions de ses parents, de ses
représentants légaux ou des membres de sa famille.

Article
9.1
Les Etats signataires
veillent à ce que l’enfant ne soit pas séparé de ses parents
contre leur gré.

Si
l’honneur d’un pays, d’un modèle de société, ne tient qu’en
une main, ce n’est certainement pas celle qui contrôle la
trajectoire d’un ballon mais plutôt celle qui se referme sur un
stylo sous les flashes des photographes pour signer une loi
scélérate.

alfredo
giannuzzi

professeur
documentaliste

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